Publié le 23 août 2021
#quitmyjob : de l’évolution du rapport au travail…
Derrière le hashtag #quitmyjob, des centaines de personnes qui se filment en train de démissionner de leur travail. Le mouvement né sur TikTok aux Etats-Unis a pris ampleur internationale. Que dit ce phénomène sur l’évolution du rapport au travail ?
#quitmyjob ou la santé mentale d’abord !
Shana Blackwell, une américaine de 19 ans, se filme en train de démissionner en 2020 de son emploi chez Wallmart. Elle subit alors quotidiennement des remarques désobligeantes et du harcèlement sexuel de la part des autres employés masculins. Après une énième remarque, s’emparant du micro, elle annonce publiquement sa démission devant tous les clients. Ce faisant, elle interpelle nominativement ses agresseurs : « Vous êtes des pervers ! J’espère que vous ne parlez pas à vos filles comme vous me parlez ! ». Elle explique être fière d’avoir, pour la première fois de sa vie, fait passer sa santé mentale avant son travail.
Sa vidéo postée sur TikTok fait des millions de vues. Dans la foulée, de nombreuses personnes se filment en train de démissionner, expliquant les raisons de cette décision. Ainsi entre juin 2020 et juin 2021, en pleine pandémie mondiale de Covid et crise économique, des millions d’américains auraient démissionné de leur travail. Mais ce mouvement a aussi dépassé les frontières.
Démissions : des raisons conjoncturelles et profondes …
Certes la pandémie mondiale de Covid et ses conséquences peuvent être des raisons conjoncturelles communes aux actes de démissions dans le monde. Cependant, il semble y avoir aussi des causes communes plus profondes. En effet, elles semblent aussi tenir au sens, aux valeurs, au sentiment d’utilité, à la considération, à la reconnaissance, à l’accomplissement, à la qualité de vie au travail quand l’on regarde les vidéos.
Ainsi qu’il s’agisse de se donner du courage avant un “saut à l’élastique” ou d’acter un changement de vie … Qu’il s’agisse de se refuser la possibilité de faire marche arrière, ou de saisir une opportunité pour faire des vues… Se filmer en train de démissionner transforme l’acte de perdre son travail en un pas vers son accomplissement. On n’est parfois pas loin d’un rite de passage ou du challenge, avec des conséquences économiques certaines.
Faire de sa démission une victoire !
Ce faisant, l’acte de démissionner passe de « j’ai perdu un travail » à « j’ai gagné du temps pour faire maintenant quelque chose qui a davantage de sens pour moi ». La mise en scène renforce la solennité du Moment et l’affirmation d’un choix plutôt que l’acceptation d’une situation inconfortable ou frustrante.
Dans le contexte actuel, et dans des pays qui sont très peu protecteurs socialement et souvent adeptes du procès, cet acte peut paraître fou et peu réfléchi. Toutefois, les raisons exprimées, souvent par de très jeunes gens, témoignent en fait d’une assez grande maturité et d’un recul intéressant sur la vie et la façon de s’y projeter. Se rendre compte à 20 ans qu’on subit un management toxique, ou bien que les process sont déshumanisants… Réaliser que le travail que l’on fait n’apporte aucune satisfaction ou met sa santé mentale en danger… Refuser de participer à un système qui contribue au changement climatique… Et prioriser cela en disant « stop ! » est en fait assez bluffant. Même si l’on n’a pas une famille à nourrir. Enfin, démissionner est aussi un moyen de résistance pour des femmes qui ne veulent plus subir de discriminations et remarques sexistes après le phénomène #MeToo.
#quitmyjob en France ?
L’acte de se filmer en train de démissionner est entré dans l’air du temps des réseaux sociaux. Au demeurant, l’on constate parmi les personnes qui se sont filmées une majorité de jeunes ou très jeunes gens. Par ailleurs, il y a beaucoup de femmes. Enfin, il semblerait que ce phénomène soit plus en vogue dans les pays anglo-saxons où le droit du travail est très différents de la France avec un préavis de 2 semaines dans la plupart des cas.
En France, l’acte de démissionner reste très encadré. Sauf cas rares de changement de job, projet entrepreneurial ou rapprochement de conjoint, il reste vu comme une situation risquée, sans filet social. Cependant, #quitmyjob fait écho aux souhaits des jeunes générations de français en matière de travail.
#quitmyjob peut-il faire avancer la société ?
En ce sens, il cristallise les clashs générationnels ainsi que l’écart entre ce que les entreprises ont à offrir et les aspirations des jeunes en ce qui concerne le travail dans un monde en mutation. D’ailleurs, Wonderfoodjob avait mené une étude auprès d’étudiants sur le sujet : « Dessine-moi l’entreprise Agroalimentaire de demain ». Au-delà de la marque-employeur, c’est surtout la raison d’être des entreprises qui est questionnée !
Un monde plus humain, plus juste, plus éthique, plus propre, plus conscient de l’environnement serait-il en train de se construire sous nos yeux, malgré les phénomènes d’ubérisation ? On revient sur les fondamentaux du travail et le lien entre le bien-être et le bien-faire, au-delà du “full-washing” ambiant. Avec un supplément « digital » qui permet la validation sociale.
Image : copie d’écran