Publié le 17 mai 2023
“Emploi et Attractivité dans la filière agroalimentaire – Le point de vue de l’ABEA”
Retrouvez l’interview de Jean-Bernard Guyot, Chef de Projet de l’ABEA, sur l’emploi et l’attractivité dans la filière agroalimentaire :
Quelle est la situation actuelle quant aux besoins en recrutement dans l’agroalimentaire ?
Jean-Bernard Guyot : Au niveau national, l’ANIA estime à 30 000 le nombre de postes à pourvoir. En Bretagne, on estime du côté de l’ABEA qu’il y a entre 2000 et 3000 postes à pourvoir. Cette situation bretonne s’explique par différents facteurs. On a tout d’abord un taux de chômage qui est très bas en Bretagne : 6%. Beaucoup de secteurs d’activité sont dynamiques et recrutent : l’hôtellerie restauration, la santé, le service à la personne, le tourisme et ce depuis la fin de la période Covid. Les entreprises agroalimentaires sont en concurrence avec ces autres secteurs. Sur certains bassins comme Vitré, on est même au plein emploi avec 3,5% de taux de chômage.
Puis, en parallèle de ça, on voit aussi que l’on a une image un peu ternie de l’agroalimentaire en tant que recruteur. L’agroalimentaire n’attire pas suffisamment, et on travaille donc pour faire mieux. Découvrir nos métiers, la grande diversité des emplois et des entreprises.
Quelle analyse faites-vous des difficultés de recrutement : typologie des métiers, types d’entreprises… ?
Il manque des personnes dans les petites, dans les moyennes et dans les grandes entreprises. Historiquement, on avait certains secteurs d’activité qui étaient plutôt touchés par ces difficultés, notamment le secteur de la viande. Et puis certains types d’emplois étaient « pénuriques » : opérateurs de production, conducteurs de machines, techniciens de maintenance.
Maintenant, ce que l’on constate, c’est que tous les secteurs d’activité sont touchés. Certains, par exemple, qui peuvent avoir des conditions de travail qui semblent en tout cas de l’extérieur, peut-être plus agréables. Je pense par exemple à la boulangerie-pâtisserie industrielle, à des biscuiteries. Mais en fait, ce que l’on voit, c’est que ces secteurs-là ont aussi des difficultés et aussi pour d’autres métiers. C’est-à-dire que même les fonctions comme des fonctions commerciales, comme les fonctions logistiques, sont difficiles à recruter. On estime que 70 % des recrutements sont jugés comme étant difficiles dans l’agroalimentaire.
Quelles sont les conséquences en ce début d’année pour les entreprises ?
Pour certaines entreprises, ça se traduit par des projets freinés, des refus de commandes. Le carnet de est plutôt bien rempli de manière générale. Mais ce qu’on constate, c’est que ces difficultés de recrutement freinent vraiment le maintien de l’activité ainsi que son développement aussi. On a certaines entreprises qui nous confient devoir fermer leurs lignes de production par faute de main d’œuvre disponible. Et puis bien sûr, il y a de grandes difficultés aussi pour des recrutements plus longs. Beaucoup d’énergie à dépenser du côté des services RH.
On associe souvent agroalimentaire et métiers difficiles, pénibles : quelle est la réalité de ces métiers ?
Ça fait typiquement partie des idées reçues qu’on cherche à faire tomber. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que vous avez douze secteurs d’activité. Dans l’agroalimentaire en Bretagne, vous avez plus de 1.000 entreprises et peut-être autant d’ateliers et d’environnements de travail différents.
Donc, vous allez avoir des ateliers où vous allez travailler dans le froid, mais d’autres où il va faire plutôt bon, vous allez travailler à température ambiante. On a aussi beaucoup travaillé sur les équipements de protection individuelle pour améliorer les conditions de travail. On a travaillé sur la pénibilité des postes, sur le port de charges. Vous allez aussi avoir des sites qui fonctionnent de nuit, et d’autres non. Certains qui ouvrent le weekend, et d’autres pas. Il y a également beaucoup d’usines qui sont en train de se digitaliser, de se robotiser ou « cobotiser ». Pour que la technologie puisse apporter un soutien à l’humain au sein des usines.
Notre message à l’ABEA, c’est d’œuvrer à ouvrir les sites, à favoriser les échanges. Pour qu’une personne un peu curieuse, en recherche d’emploi, jeune ou moins jeune, n’hésite pas à aller à la rencontre des entreprises de son secteur. Parce qu’il y en a forcément, avec 4000 sites rien que pour la Bretagne. Notre volonté c’est de pousser ces publics à aller découvrir les univers, aller découvrir les métiers, partager avec les salariés et leur permettre de se faire leur propre idée.
Vous pouvez nous parler de Food Talent ?
Evidemment ! Comme nous à l’ABEA, le CFIA a à cœur d’être au plus près des enjeux des industriels. On a donc travaillé ensemble pour développer une initiative en lien avec les enjeux d’attractivité et d’emploi et c’est ainsi qu’est né Food Talent. L’objectif était double : tout d’abord, répondre aux besoins actuels en recrutement des entreprises alimentaires en organisant le plus grand job dating 100% alimentaire. Ce sont plus de 40 entreprises qui étaient présentes pour valoriser près de 400 offres d’emploi, de stage ou d’alternance, sur tous types de postes et de fonctions. Ensuite, l’événement visait également à faire découvrir les métiers et leurs évolutions. Auprès de publics encore en réflexion sur leur avenir professionnel (collégiens, lycéens, demandeurs d’emploi, personnes en reconversion).
Pour ce faire, Food Talent proposait des ateliers métiers au sein desquels les visiteurs pouvaient découvrir 5 fonctions majeures des entreprises : R&D, Production, Maintenance, Qualité/hygiène/santé/environnement, Fonctions support. Des professionnels en poste sont ainsi venus présenter leurs métiers, leurs parcours et témoigner sur ce qui les anime au quotidien. En complément, des démonstrateurs étaient proposés pour créer de l’interaction et se projeter sur les métiers, leurs missions et environnements. Des casques de réalité virtuelle permettaient aux visiteurs de rentrer en immersion dans des ateliers de production pour découvrir de l’intérieur les environnements de travail. Des robots, également présents sur place, ont permis aux visiteurs de se rendre compte du degré de technologie présent dans les entreprises alimentaires.
Enfin, des acteurs de l’emploi et de la formation proposaient également leurs services et conseils pour orienter et informer les visiteurs. Cela fait directement écho à ce que je disais tout à l’heure sur la nécessité de favoriser les échanges, la découverte ! Et avec plus de 1000 visiteurs participant à la journée, nous avons déjà annoncé une seconde édition pour 2024 !