Publié le 6 octobre 2020
Destination hybridation !
C’est un fait : nous sommes dans une époque de transformations. Ce nouveau paradigme dans lequel nous évoluons nous pousse à sortir des cases dans lesquelles nous sommes à tous les niveaux. Adopter des approches systémiques ; adapter nos institutions ; réinventer notre économie ; inclure de nouveaux types de parentalités ; repenser nos modèles ; travailler autrement ; accueillir de nouveaux genres ; faire évoluer nos formations, nos métiers et nos recrutements…
Alors que tout semble naturellement se métamorphoser, notre quête d’identité et de sécurité a parfois du mal à accepter l’hybridation. Pourtant, l’hybride porte en lui une promesse d’agilité et d’innovation dont il semble de plus en plus difficile de se passer.
Nous nous appuyons dans cet article – en partie – sur l’intervention de la philosophe et chercheure Gabrielle Halpern, auteure de Tous Centaures : Eloge de l’hybridation, à l’occasion de BIG 2020, le 1er octobre dernier.
Cet article court n’est pas un compte-rendu de conférence ou du livre cité ci-dessus, mais réunit quelques idées à creuser autour du sujet pour ouvrir de nouvelles portes, notamment dans le secteur agroalimentaire.
L’hybridation brouille nos repères et questionne notre identité
« Un parcours de vétérinaire, toiletteur, développeur web pour un poste de Responsable Commercial ? Vous êtes sérieux ? »
« Les chips de mangue pour l’apéro, je les range avec les biscuits sucrés ou avec les cacahuètes ? »
« Chouette ce nouveau service de Box végane qui facilite mon quotidien, me fait découvrir de nouvelles recettes, permet d’améliorer ma nutrition, fait les courses à ma place et permet de réduire mon impact environnemental ! »
Peut-être avez-vous déjà entendu ce type de remarques ? Elles sont révélatrices, le plus souvent, du fait que nous avons besoin de repères et de catégoriser les choses pour pouvoir traiter l’information. Aussi sommes-nous fréquemment déboussolés dès lors que nous rencontrons quelque chose à la croisée de différents mondes. Souvent, l’hybridation nous dérange en questionnant l’identité des choses et en nous renvoyant à notre propre identité ; peut-être aussi à notre immobilité dans un monde qui change si vite. Mais l’hybridation peut aussi être une très bonne surprise quand, par exemple, elle répond à un besoin latent ou nouveau en cochant plusieurs cases.
L’hybridation, c’est la liberté !
Si l’hybridation fait peur, peut-être est-ce parce qu’elle porte en elle une liberté, une part d’inconnu, qui vient casser les structures « rassurantes » de nos sociétés humaines ? Mais peut-être aussi que le fait de ne pas se sentir directement « menacé » enferme dans un confort non propice à l’hybridation ?
Pourtant, l’être humain est un animal du changement ! D’ailleurs, l’hybridation est un processus naturel et l’homme, souvent, agit par bio-mimétisme pour s’adapter ou innover. « Rien ne naît ni ne périt, mais les choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. », disait Anaxagore, philosophe grec, 500 ans avant Jésus Christ…
De fait, l’hybridation s’appuie sur une liberté et une créativité qui permet à certains de faire un pas de côté pour survivre, s’adapter, inventer et transformer le monde. L’hybride combine une intelligence créative qui lui permet de penser en dehors des sentiers battus, mais également beaucoup d’humilité et de tolérance, indique Gabrielle Halpern.
L’hybridation pour innover !
Ces attributs lui permettent de sortir des biais cognitifs et du pilotage automatique pour réinventer des modèles, des organisations, des collaborations, des expériences, des produits, des services…
Souvent d’ailleurs, les innovations qui ne sont pas des innovations de rupture, sont le résultat de la rencontre entre deux mondes, c’est-à-dire de la création d’un hybride. Ce constat a permis de développer la recherche en matière de Sciences de l’Innovation, en identifiant les points communs, complémentaires ou antagonistes entre deux univers. L’hybridation n’est donc pas une addition de secteurs ou produits comme on le ferait via une diversification, mais bel et bien une combinaison entre deux ou plusieurs mondes qui permet, par exemple, d’apporter une expérience augmentée à l’utilisateur. Dans ce sens, l’hybridation flirterait-elle avec la virtuosité, telle que décrite par Marc Halevy ? Peut-être là le moyen de développer de nouvelles identités par l’apport de valeurs ajoutées singulières ?
Dans ce processus, des stratégies telles que celle des Océans Bleus / Océans Rouges peuvent avoir leur intérêt. Il s’agit globalement d’innover en questionnant le «non marché» d’un produit ou d’un service. Ce faisant, on travaille sur la création de valeur pour satisfaire les attentes des personnes qui ne consomment pas déjà le produit ou service afin de créer des offres innovantes (océans bleus) en dehors de marchés déjà saturés (océans rouges). C’est ainsi par exemple qu’est née la Wii de Nintendo : un « jeu vidéo » qui satisfait l’envie de bouger et de lutter contre la sédentarité des non-consommateurs de jeux-vidéo traditionnels.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut aussi considérer l’innovation non pas comme le résultat de personnes extrêmement créatives, et qui auraient eu subitement une idée de génie ; mais comme quelque chose d’accessible à qui s’en donne les moyens.
L’hybridation dans l’Agroalimentaire
Un œuf végétal, à la croisée de la gastronomie traditionnelle et des attentes des personnes véganes ou allergiques … De la crème glacée aux légumes pour les enfants, servie dans des pots où ils peuvent replanter des semences … L’extraordinaire développement du Food Service et de la FoodTech…
L’agroalimentaire est un terrain de jeu idéal pour innover par hybridation, via de la cuisine créative en assemblant des ingrédients qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer ; via la cuisine Fusion entre deux continents ; en apportant de nouvelles expériences via du produit-service ou en combinant nouvelles attentes et nouveaux usages…
Mais pour permettre l’émergence de l’innovation, il faut des profils adéquats dans des structures propices et permettant beaucoup de transversalité. Alors que le digital a déjà fait bouger la base des compétences nécessaires aux métiers de l’agroalimentaire, sans doute est-il important de se concentrer sur les compétences en faisant évoluer les fiches de postes et les formations ? Peut-être là une voie pour ré-enchanter l’entreprise, notamment pour les jeunes générations et les profils atypiques, en proposant des parcours sur mesure ?
Et vous, quel hybride êtes-vous ?